0 Sara, paparazzo

Last week I became “Sara the paparazzo” : I decided to drop some of my books in public places in Paris and wait to get a snapshot of those passers-by who would be interested in the abandoned objects.

After a very rainy week-end, which made it impossible to carry out my “book-dropping-paparazzo” experiment, I began my little adventure on Monday, October 15th.

I brought several novels, including Pieds nus sur les limaces (Barefoot on the slugs), written by Fabienne Berthaud, Le voisin (The Neighbor) by Tatiana de Rosnay and a biography of Marilyn Monroe.

Why did I choose those books ? Actually, to tell the truth, I didn’t finish Pieds nus sur les limaces, and I didn’t really enjoy reading Le voisin either, but both have attractive covers. Dropping these books wouldn’t be too painful. However, I am really attached to Marilyn Monroe’s biography. But in this case curiosity is stronger: I really want to see if someone would be surprised, or even pleased to find it on a bench.

I chose to drop my first book, Pieds nus sur les limaces, at Cité Universitaire, in Paris.

Somehow I thought nobody would pay attention to it and that I would have to go home, my book in my pocket. On the contrary, after barely more than two minutes, a young woman came close to the book, observed it, picked it up, sat a little bit further and started reading it.

Then she boarded the next streetcar. My first book had been adopted !

(to be continued)

Sara Sadeghi


Depuis la semaine dernière, je suis Sara le paparazzo. J’ai décidé d’abandonner des livres dans des lieux publics de Paris, pour attendre et prendre un cliché des passants qui seraient interressés par l’objet abandonné.

Après un week-end très pluvieux, où je n’ai pas pu m’aventurer à effectuer mon expérience de “book-dropping-paparrazzo”, j’ai commencé ma petite aventure ce lundi 15 octobre.

J’avais pris avec moi plusieurs romans, dont Pieds nus sur les limaces de Fabienne Berthaud, Le voisin, de Tatiana de Rosnay et une biographie de Marilyn Monroe. Pourquoi ces ouvrages-là ? A vrai dire, je n’ai pas réussi à terminer Pieds nus sur les limaces, et je n’ai pas non plus adoré Le voisin, mais tous deux ont une jolie couverture. Je suis attachée à la biographie de Marilyn, mais ma curiosité est plus forte, j’aimerais voir si quelqu’un serait surpris, voire heureux, de trouver ce livre sur son chemin.

C’est à Cité Universitaire, dans le 14ème arrondissement, que j’ai choisi d’abandonner mon premier livre, Pieds nus sur les limaces.
Etrangement, je m’attendais à ce que personne n’y accorde de l’attention, et que je reparte au bout d’un moment, avec mon livre sous le bras. Au contraire, au bout d’à peine deux minutes, une jeune femme s’en approche, l’observe, le ramasse, s’assoit un peu plus loin et commence à le lire.

Elle prend ensuite le tramway. Mon premier livre est adopté !

A suivre !

Sara Sadeghi

0 À propos de l’exposition de Ludovic Cantais


-- Galerie Binôme --

L’exposition La Bibliothèque Fantôme de Ludovic Cantais invite à réfléchir au livre en tant que contenu, support et marchandise.

De la réflexion magistrale de Max Weber sur l’éthique protestante et l’esprit du capitalisme aux conseils de régime alimentaire d’un chanteur grec, la série de couvertures photographié es montre l’extrême diversité des titres abandonnés que Ludovic Cantais a recueillis sur le trottoir des villes. Livres honteux ? Livres encombrants ? Livres démodés ? Livres trop lus ? En ces temps de dématérialisation et de lecture numérique, l’exposition souligne également la matérialité du livre et la présence continue du papier. L’abandon de livres – ou le « désherbage » selon l’expression jardinière des professionnels de la bibliothèque – ne suggèrent pas le manque d’attachement aux livres de la part des lecteurs. Bien au contraire. On ne se sépare pas des titres qui ont pour nous de la valeur. Et les autres : ils quittent le foyer privé et sont mis en circulation sur la voie publique.

Enfin, l’installation photographique montre à quel point le livre, coûteux autrefois, est devenu aujourd’hui un produit de grande consommation accessible à tous. Signe de démocratisation culturelle pour les uns, révélateur d’une défaite de la pensée pour d’autres, la production éditoriale de masse rend la présence de ce support de connaissances incontournable dans la société. Tout premier des biens culturels achetés chaque année, le livre n’est toutefois pas devenu un produit comme les autres. Symbole de réincarnation, les livres collectés retrouvent aujourd’hui une nouvelle vie par leur diffusion hors de tout circuit marchand.

Vincent Chabault, maître de conférences en sociologie, université Paris Descartes.


0 Jours de la Marne

Jours de la Marne de Maurice Genevoix. Tout de suite j’ai été attirée par cette couverture. Sépia, pas le noir et blanc attendu des livres d’histoire. Les images de soldats mille fois vus et revus. La Grande Guerre. Flammarion 3 francs 75. J’en suis le fruit : ma grand mère, veuve de guerre dès l’automne 14, dans un sursaut patriotique, par désir secret ou avoué de retrouver un mari, pour avoir quelqu’un à qui envoyer des colis, devint marraine de guerre. Son filleul survécut à Verdun, à la Marne, à l’horreur - il devint mon grand père. Plus tard, dans les années 20, il traîna ses filles sur les champs de bataille, pour qu’on n’oublie jamais, pour qu’elles transmettent - ce qui fut fait. La Grande Guerre, un trou béant, une cicatrice. Et sur la couverture sépia, des regards d’hommes. Comment ont-il pu tenir quatre ans ?

Maurice Genevoix, je ne connais que de nom. Je voudrais bien lire le livre. Je vais à la bibliothèque Faidherbe, regarde le catalogue. Jours de la Marne n’y est pas mais plusieurs gros tomes intitulés La guerre, pas conservés sur place, mais à la réserve centrale. J’en profite pour me promener dans la bibliothèque, sort d’un rayon Henry Bauchau, et Paroles de poilus du rayon DVD. Seulement ma carte est bloquée, j’ai des livres en retard dans une autre bibliothèque. J’aime assez ces contretemps, les possibles qui n’ont pas lieu.
Le samedi après-midi je vais à Beaubourg dans l’espoir de trouver Jours de Marne. Il pleut. Je monte au dernier étage, rayon littérature, GA, GE, GEN, je trouve Genevoix mais pas le livre convoité, seulement Verdun dans la collection Omnibus. Je me dirige vers le rayon Histoire. Je tombe sur un ami dont justement je tiens le dernier roman à la main, je l’avais emporté pour me distraire dans la queue. Serendipity. Gentiment il me le dédicace. Nous bavardons en silence pour ne pas déranger. Je médite sur le corps des objets, la matérialité et le flux, la nécessité de marcher dans son corps, de tenir les choses, les poser, les déplacer, les transporter dans la ville.

A côté du Genevoix, j’ai pris dans le rayon Histoire, Jaurès paysan. Mon grand père venait du Tarn, un village entre Castres et Dourgne, dont j’apprendrais en lisant que c’était la seule circonscription qui avait voté pour Jaurès en 1889. J’alterne les lectures, je copie des extraits. Discours de Jaurès : « Vous faites fermenter en eux des besoins nouveaux ; puis par vos expositions universelles, je ne vous le reproche pas, je constate, vous les précipitez à prix réduits vers des spectacles nouveaux, et eux, les habitués des solitudes ou des petits groupes locaux, ou de ces marchés de villages qui ont encore un air de famille, vous les jetez, vous les perdez dans le torrent des foules inquiètes que mène je ne sais quel besoin d’agitation ». Et des bouts de Genevoix : « la marche errante de gens qui ont perdu leur chemin (...) mâchant du singe filandreux et du pain élastique (...) la promenade dans la boue recommence (...) il y a de l’anxiété dans l’air (...) La nuit s’annonce transparente et douce (...) ramassant de-ci de-là des morceaux d’acier déchiquetés, encore chauds (...) l’herbe est drue et vivace. J’en vois qui se déchaussent et marchent pieds nus dans cette fraîcheur verte ». Et plus haut, « ce que nous avons fait, c’est plus qu’on ne pouvait demander à des hommes et nous l’avons fait ». Je pense à l’épaisseur de l’histoire, à la superposition des époques, comme un immense mille feuilles.

Plus tard dans la semaine, je dépasse un cycliste qui a sur son porte bagage un livre à la couverture bien similaire aux Jours de la Marne, couleur sépia, des soldats, soigneusement retenu par un sandeau, un peu brinquebalant quand même. Je regrette de ne pas avoir eu la présence d’esprit de la photographier. C’est The Face of Battle de John Keegan. De retour à la maison, je google, Anatomie de la bataille en français, sur l’art de la guerre vu de l’intérieur, à travers les âges. Peut-être un jour je le lirai. Peut-être il tombera du porte bagage, quelqu’un le ramassera, il atterrira sur un étalage, je le trouverai, peut-être. Peut-être ce livre croisera un jour à nouveau mon chemin. Je pense aux livres qui circulent dans la ville, dans les trains, sur les vélos, les bateaux, les avions, une plage arrière de voiture.

J’ai posé la photo de Ludovic Cantais sur le manteau de la cheminée tout contre une immense toile orange et rouge et blanche et grise rapportée d’Australie. L’artiste que nous avions rencontrée m’avait que chacun des points gris était fait de cendre et que cette cendre c’était celle des morts qui traçaient le chemin sans cesse recommencé, ces spirales au coeur du tableau. J’allume une bougie en leur honneur, en leur souvenir. Personne de passage chez moi n’a fait de commentaire sur la photo des Jours de Marne, sauf ma fille, « Pourquoi tu t’intéresses tant aux morts ? » J’ai envie de lui répondre qu’ils sont toujours avec nous dans les interstices de l’histoire et la grâce de la littérature.

Temps de rendre la photographie à la galerie. C’est bien. Elle commençait à se fondre dans le bric à brac de l’appartement, je commençais à l’oublier. Le temps de ce périple, du livre abandonné au livre photographié, à la photographie exposée puis empruntée, qui a son tour a mené à la lecture d’un auteur oublié, 3 francs 75, je me suis un peu rapprochée de ce grand père que je n’ai jamais connu.

Sylvie Decaux

0 The strange appeal of abandoned books



Les livres abandonnés m’ont toujours fascinée et inspirée parce qu’ils contiennent des morceaux de vie de leurs précédents lecteurs. J’adore trouver un livre avec un marque-page oublié, des passages surlignés, des notes et des commentaires. Cela arrive souvent avec les livres empruntés en bibliothèque, découverts dans la bibliothèque familiale, ou trouvés dans la rue. C’est toujours une bonne surprise, comme si je découvrais un secret à travers ces pages… Alors, le livre devient un objet personnel avec sa propre histoire.
Trouver un livre perdu dans la rue est une expérience très excitante, parce que ce n’est pas comme acheter un simple livre dans une librairie. Ce livre-là a une histoire et c’est une sensation magique que d’imaginer cette histoire, les visages des précédents lecteurs, et de découvrir des indices comme des notes ou des commentaires. Le livre n’est pas le simple support des idées de l’auteur, mais c’est aussi un objet qui garde les traces personnelles de chaque lecteur.
De plus, un livre abandonné peut être un objet d’échanges sociaux. Dans certains d’entre eux la présence de notes et de commentaires nous offre le point de vue du précédent lecteur. Ces notes sont le résultat de leur réflexion sur la pensée de l’auteur, et cela nous permet parfois de comprendre plus facilement le livre. Alors, le livre enrichit doublement son lecteur car il ne contient pas seulement les idées de son auteur, mais aussi celles que les précédents lecteurs partagent grâce à leurs annotations. Certaines personnes laissent des messages dans leurs livres comme des dédicaces, et nous avons alors la véritable impression de pénétrer dans la mystérieuse intimité du lecteur précédent.
Le bookcrossing est un bon concept parce que c’est un moyen de communiquer et partager des idées avec les gens grâce aux livres et aux traces que nous pouvons y laisser. C’est aussi une façon d’échanger des secrets, de stimuler l’imagination, de permettre le rêve et d’apporter des petits bonheurs dans la vie des autres.
 
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Abandoned books have always fascinated and inspired me because they contain parts of the life of their previous readers. I love finding a book with a forgotten bookmark, highlighted quotations, notes and comments. It’s often happened with books borrowed in the library, discovered in the family bookcase or found in the street. It’s always for me a good surprise, as if I discovered a secret under these pages… Then the book becomes a personal object with its singular history.
Finding a lost book in the street is a very exciting experience, because it isn’t like buying a simple book in a bookshop. This book has a history and it’s a magical feeling to guess this story, the faces of the previous readers, and discover some signs like notes and bookmarks. The book isn’t a simple material vehicle for the writer’s ideas, but also an object which keeps the personal trail [you could also say: “which keeps track”] of each reader.
Moreover, an abandoned book can be an object for social exchanges. In some of them, the presence of notes and comments offer us the point of view of the previous reader. These notes are the result of their thoughts about the writer’s mind, and they might enable us to understand the book better. Then, the book enriches the reader, because it doesn’t contain only the writer’s ideas, but also previous readers’ ideas shared thanks to their comments. Some people leave personal messages in their books like dedications. Then we have the pleasant feeling of penetrating the mysterious previous reader’s intimacy.
Bookcrossing is a good concept because it’s a way of communicating and sharing ideas with people thanks to books and trails that we can leave in them. It’s also a way of exchanging secrets, of stimulating imagination, of allowing dreams to come forward and of bringing some moment of happiness in the life of other people.

Pascaline Milliat

0 I tested Book Crossing for you


Il y a de cela quelques jours, j’ai fait un grand changement dans ma vie. Je ne suis pas partie vivre à Dubaï. Je ne suis pas devenue végétarienne. Je ne me suis même pas fait faire une nouvelle coupe. Non, il s’agissait de quelque chose de bien plus difficile pour moi. Je me suis séparée d’un livre. Pour la première fois de ma vie (à part bien sûr les Bibles que je reçois chaque année à Noël et que je vends sur Internet pour acheter une paire de chaussures).
Je garde tous mes livres. Des bandes dessinées de mon enfance aux livres de philosophie du lycée, je les ai toujours conservés, comme des enfants qu’on n’aime pas toujours mais qu’on doit protéger parce qu’ils font partie de la famille. Et parce qu’ils vont payer pour votre retraite (les enfants, pas les livres).
Bien sûr, je ne pouvais me résoudre à l’abandonner dans une station de métro quelconque sans savoir ce qui lui arriverait c’est pourquoi je me suis inscrite à un charmant petit site appelé BookCrossing.com, où vous pouvez suivre le parcours de vos enfants livres. La visite du site fut assez extraordinaire : je pouvais voir tous les endroits où les gens abandonnaient leurs livres, et de quels livres il s’agissait. Quelques Book Crossers avaient déjà « libéré » des MILLIERS de livres, tels des graines jetées au vent. Je devins alors très enthousiaste à propos de ma nouvelle décision : je voulais faire partie de cette communauté, partager un peu de lecture avec le monde, être comme un Père Noël littéraire pour un bienheureux étranger.
J’ai donc choisi un livre (pas l’un de mes favoris bien sûr, je n’étais pas encore prête pour cela, mais un bon bouquin quand même, lu il y a un an de cela), l’ai enregistré sur le site, écrit un petit mot dessus avec le numéro de suivi donné par le site, relâché dans un parc et suis rentrée en attendant que quelqu’un le trouve et se manifeste sur le site.
Est-ce que ce fut douloureux ? Oui. Est-ce que j’en ai eu des nouvelles pour l’instant ? Non. Est-ce que je pleure la nuit à l’idée de mon pauvre livre seul, trempé par la pluie, ignoré par la foule passant près du banc où je l’ai déposé ? Oui. Mais je n’ai pas perdu la foi, et vais sur le site chaque jour en attendant des nouvelles. En attendant que quelqu’un laisse un message disant : « Oh mon Dieu ce livre a changé ma vie, je ne veux plus me suicider et vais maintenant passer mon existence à aider des enfants africains grâce à vous, vous méritez un prix Nobel ». Ou quelque chose comme ça (bon, j’avoue qu’un simple « Je l’ai trouvé, il est sympa à lire » me suffirait).

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A few days ago, I made a huge change in my life. I didn’t move to Dubai. I didn’t become a vegan. I didn’t even get a new haircut. No, it was something far more difficult for me. I let go of a book. For the first time in my life (except of course the Bibles I get every Christmas and sell on the Internet to buy a pair of shoes).
I am a true book keeper. From the comics of my childhood to my philosophy books in highschool, I’ve always hang on to them, like children you don’t always like but you have to protect ‘cause they’re family. And because they will pay for your retirement (children, not books).
Of course, I couldn’t resign to just throw it away in some subway station and not know what would have happened to it, so I subscribed to this lovely little website called BookCrossing.com, where you can keep track of your abandoned children books. Visiting the place was amazing: I could see all the places where people dropped books, and their titles. Some of the Book Crossers there had already « freed » THOUSANDS of books, like seeds in the wind. I became really excited about my new decision ; I wanted to be part of this community, share some reading with the world, be like a Book Santa for a stranger. So I picked a book (of course not one of my favorite, I wasn’t ready for this yet, but still a good one that I read a year ago), registered it on the website, wrote a little note on it with the track number the site gave me and poof, released it in a park and went home waiting for someone to find it and tell it and the website.
Did it hurt ? Yes. Do I have news yet ? No. Do I cry at night imagining my poor book alone, wet by the rain, ignored by the crowd passing by the bench where I left it ? Yes. But I didn’t loose faith, and check the site everyday waiting for news. Waiting for someone who would leave a comment saying « Oh God this book changed my life, I no longer want to commit suicide I will dedicate my existence helping African children thanks to you, you deserve a Nobel prize ». Or something like that (actually a mere « Found it, loved it » would be enough).

Bénédicte Pasquier

 

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